Chronologie des premiers historiens grecs, 1ère partie Hérodote

Lecteurs qui lisez ces lignes, vous êtes certainement concernés par l’Europe et sa dimension historique. L’histoire la plus ancienne de l’Europe nous provient certainement des historiens grecs. J’espère qu’à la lecture de ce billet, il ne vous restera plus aucuns doutes concernant cette affirmation, si tant est que vous en ayez.

Passionné par l’élaboration des premiers écrits, j’ai rédigé ce billet sur les origines de l’écriture. Tout en restant proche de ce sujet, il me tardait, de parler d’ouvrages où l’acte d’écriture ne serait plus furtif mais pensé et construit. Ce raccourci entre «l’écriture palatiale» des premiers sceaux crétois ou des premières tablettes mycéniennes et l’œuvre littéraire, qui nous parait aujourd’hui si naturel, est un tour de force que de nombreuses cultures n’ont jamais réellement réussi ou voulu  accomplir avant que les Grecs n’aient montré le chemin. Les études nombreuses sur le sujet, comme celles passionnantes de Jesper Svenbro, ou de Pierre Hadot montrent que le passage vers l’écrit n’est pas spontané dans une civilisation ancestrale et ancestralement basée sur l’oralité. Par ailleurs il n’est pas facile de se convaincre qu’il puisse y avoir plus grande beauté que celle d’entendre l’œuvre contée par le rhapsode grec. Une fois l’œuvre transcrite à l’écrit, ne perd-elle pas instantanément de sa grandeur ?  La splendeur du texte récité, n’est-elle pas alors perdue à jamais. Je ne suis pas sur d’arriver à me convaincre que nous n’avons pas perdu quelque chose au change et que nous n’aurons jamais plus le loisir de retrouver le lyrisme unique lié au récit conté. J’en ai été convaincu en écoutant le brillant exposé de  Dominique Jaillard que j’ai inclus ci-dessous dans ce billet. Je vous invite à ne pas perdre patience en écoutant la docte introduction de Dominique Jaillard mais de tenir jusqu’à la 14ème minute où il entreprend de nous expliquer l’art et la performance des rhapsodes. A partir de ce moment-là l’exposé lui-même prend une tournure tout à fait lyrique.

 

 

Cette  constatation quoique passionnante n’est pas le sujet de ce billet. Les Grecs, fortement ancrés dans l’oralité, ont su produire de nouvelles grandes œuvres « en passant » à l’écriture. Bien que les premiers écrits grecs ne soient que des mises à l’écrit d’odes, de poèmes ou de pièces à caractère théâtral et destinés à la représentation orale, il est intéressant de constater que les écrits originels grecs des cycles thébain et troyen dont fait parti l’Iliade portent sur les mythes fondateurs.
Il fallait pour produire de nouveaux types d’œuvres écrites s’affranchir de deux entraves: (1) couper le cordon du lien aux mythes fondateurs, (2) écrire pour un lecteur pratiquant la lecture dite silencieuse et non pas pour une déclamation publique. Ce ne sera l’affaire que de quelques siècles car très vite les auteurs grecs apprendront à se libérer de ces chaînes.

Nos premiers «manuels d’histoires», ceux des historiens grecs

commparaison de l'éclairage apporté par les sources historiques antiques, Grèce et FranceLes œuvres qui m’intéressent dans ce billet sont celles de premiers historiens grecs car il fallait couper ses chaînes et tout inventer soi-même: à la fois l’histoire de ses ancêtres et la manière de la rédiger. Le sujet étant vaste, je l’aborderai en plusieurs étapes et autant de billets. Le présent constituera le premier de cette série, il sera plus spécialement consacré à Hérodote. Pour introduire ces billets, je me suis amusé à composer une frise chronologique «de l’éclairage historique». Depuis l’obscurité des temps reculés, cette frise illustre l’éclairage apporté par les sources écrites représentées par des torches qui illuminent la pénombre.  Dans cette illustration j’ai également voulu montrer l’abime qui sépare la connaissance historique grecque et la française. Le premier écrit de référence sur la France arrive au Ier siècle avant J.C. avec La Guerre des Gaules de Jules César alors que de nombreux écrits, à commencer par ceux d’Hérodote puis de Thucydide, étaient déjà présents depuis plus de cinq siècles pour ce qui concerne la Grèce. Cette comparaison démontre la qualité des sources écrites grecques. Si la perfection n’est pas de ce monde, nous pourrons toujours affirmer que c’est une référence ultime à laquelle aucune autre histoire ne peut se mesurer. Cependant avant d’en arriver aux maîtres de l’analyse historique, j’aimerais retrouver le germe de cette création grecque qui se nourrit inlassablement de l’œuvre originelle d’Homère.

pré-historiens, logographes et historiens

Donc si nous en venons au sujet des historiens, il faut parler de la genèse de cette discipline dans le monde grec. Thucydide qui est communément reconnu comme le créateur de l’histoire en tant que science humaine, parle dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse au début du Livre 1, voir l’extrait ci-dessous, de «logographes» comme des ancêtres de cette discipline qu’il estime mettre en place avec rigueur dans son œuvre. L’étymologie du terme logographe employé par Thucydide est intéressante car elle marque l’origine de ces auteurs puisque le logographe est celui qui «écrit» sa «parole» ou son «discours».  Thucydide, dans sa réflexion dès le 5ème siècle avant notre ère, relève cette subordination à la restitution orale et entend être en rupture avec cette approche de l’écriture. Qui mieux que Denys d’Halicarnasse, au premier siècle avant notre ère, dans sur Thucydide, peut nous renseigner sur ces premiers historiens «logographes» et sur la manière avec laquelle s’est mise en place cette discipline avant l’arrivée du maître. Voici donc ce qu’en dit Denys d’Halicarnasse:

«Au moment de m’occuper de Thucydide, je vais dire quelques mots des historiens qui vécurent avant lui, et de ceux qui florissaient dans le même siècle. Par ce moyen, on connaîtra mieux le caractère de son talent, et les qualités qui le placent au-dessus de ses prédécesseurs. Plusieurs historiens parurent sur divers points de la Grèce, longtemps avant la guerre du Péloponnèse. De ce nombre sont : Eugéon de Samos, Démoclès de Proconnèse, Eudème de Paros, Démoclès de Phigéla, Hécatée de Milet, Acusfiaüs (Acousilaos) d’Argos, Charon de Lampsaque, Amélésagoras de Chalcédoine. Immédiatement avant cette guerre, et jusqu’à l’époque de la naissance de Thucydide, florissaient Hellanicus de Lesbos, Damaste de Sigée, Xénomède de Chio, Xanthus de Lydie et beaucoup d’autres. Leurs vues furent à-peu-près les mêmes dans le choix des sujets, et le caractère de leur esprit présente peu de différence. Les uns ont écrit l’histoire des Grecs ; les autres, l’histoire des Barbares. Les diverses parties de leurs ouvrages n’ont aucune liaison : ils n’établissent d’autre division que celle des nations et des villes, et racontent ce qui les concerne chacune en particulier. Ils se proposent tous un même but, celui de rassembler les traditions qui s’étaient conservées parmi chaque peuple et dans chaque contrée, soit dans les temples, soit dans les lieux publics, afin d’en perpétuer le souvenir : ils n’ajoutent, ils ne retranchent rien. Aussi, trouve-t-on chez eux un grand nombre de contes accrédités depuis longtemps, de catastrophes faites pour le théâtre et qui paraissent puériles aujourd’hui. Le style a les mêmes qualités dans tous ceux qui ont adopté le même dialecte : il est clair, sanctionné par l’usage, pur, concis, et proportionné au sujet ; jamais on n’y aperçoit la moindre affectation. Ils ont souvent des tours agréables, et plus ou moins de grâce : c’est ce qui les a fait vivre jusqu’à présent. Hérodote d’Halicarnasse, né peu de temps avant les guerres contre les Perses, et qui vécut jusqu’à la guerre du Péloponnèse, écrivit sur un plan plus vaste et plus majestueux. Son but ne fut pas de composer l’histoire d’un seul état ou d’un seul peuple ; mais celle de l’Europe et de l’Asie, en la renfermant dans un seul ouvrage. Il commence par l’empire des Lydiens, et s’étendant jusqu’aux guerres contre les Perses, il embrasse les événements les plus remarquables qui eurent lieu dans un espace de deux cent quarante ans. Il sut donner à son style les qualités qui manquèrent à ses prédécesseurs.»

À la suite de ce premier extrait, lisons Thucydide chapitre 21 du livre 1 de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse:

«D’après les indices que j’ai signalés, on ne se trompera pas en jugeant les faits tels à peu près que je les ai rapportés. On n’accordera pas la confiance aux poètes, qui amplifient les événements, ni aux Logographes (λογογράφοι) qui, plus pour charmer les oreilles que pour servir la vérité, rassemblent des faits impossibles à vérifier rigoureusement et aboutissent finalement pour la plupart à un récit incroyable et merveilleux. On doit penser que mes informations proviennent des sources les plus sûres et présentent, étant donné leur antiquité, une certitude suffisante. Les hommes engagés dans la guerre jugent toujours la guerre qu’ils font la plus importante, et quand ils ont déposé les armes, leur admiration va davantage aux exploits d’autrefois ; néanmoins, à envisager les faits, cette guerre-ci apparaîtra la plus grande de toutes.»

A la lumière de ces deux extraits, il est permis de proposer une classification synthétique qui aura l’avantage de positionner l’ensemble des acteurs : 1. les «pré-historiens», Homère et Hésiode, la genèse des premiers auteurs du «cycle Troyen» 2. les logographes 3. les historiens

Homère, Hésiode et le Cycle Troyen

Les écrits originels grecs, sorte d’ancien testament grec, sont rassemblés sous la dénomination  de «Cycle Troyen». Homère est considéré comme l’instaurateur de ce cycle d’œuvres. En sa personne il fédère une lignée d’auteurs du 8ème, 7éme et 6ème siècle avant notre ère,  plus bardes et poètes qu’écrivains. La question de savoir si il faut accorder un crédit historique à Homère est trop vaste pour être débattue ici, j’en touche quelques mots dans un précédent billet. Hésiode, quant à lui,  narre une histoire contemporaine du 7eme siècle sur le monde paysan de la région grecque de la Béotie dans Les travaux et les jours qui pourrait être qualifiée d’étude sociale. Rien dans son œuvre sur la Théogonie ne peut réellement  être rapproché à de l’Histoire si ce n’est celle de la mythologie grecque. D’autre part, leurs textes n’étant certainement pas écrits avec l’intention de produire un document historique, il serait très honnête de qualifier ces textes premiers de «magnifiques témoignages» dans lesquels il est possible d’extraire, comme le ferait un archéologue, des fragments d’information historique. Paul Whatelet illustre merveilleusement bien cet exercice en isolant pour nous de beaux extraits de l’œuvre d’Homère concernant les métiers antiques de la Grèce. Choisies par Paul Wathelet, les comparaisons homériques sur: – le métiers de la campagne, dans l’Iliade chant XIII, vers 703-707 – «…On dirait deux bœufs, à la robe couleur de vin, qui, dans la jachère, tirent d’un même cœur la charrue en bois d’assemblage. A la racine de leurs cornes perle une sueur abondante. Sauf le joug poli, rien ne les sépare, quand ils foncent sur la ligne du sillon et qu’ainsi la charrue atteint le bout du champ…» – le métier de forgeron, dans l’Odysseé chant IX, 391-393 :«…Dans l’eau froide du bain qui trempe le métal, quand la maître plonge une grosse hache ou bien une doloire, le fer crie et gémit…» Ce passage est un des fragments de texte homérique qui prêta à la polémique concernant la qualité historique. En effet le forgeron (en grec Chalkeus) décrit par Homère dans l’épopée d’époque mycénienne travaille le fer ce qui semble historiquement incorrect puisqu’il est notoire que les armes de cette époque étaient en bronze et non en fer comme l’a essentiellement montré l’archéologie. Cependant comme je l’ai mentionné l’œuvre d’Homère n’est pas historique, il s’agit d’une ode poétique et nous le savons le poète s’autorise à prendre licence…

Les logographes

Les historiens antiques et modernes prétendent que l’Histoire n’a gardé que les meilleurs. Les érudits de l’antiquité et les copistes ne nous auraient fait parvenir dans leur intégralité que ceux qui le méritaient, c’est à dire la lignée  des grandes œuvres d’ Homère à Thucydide en passant par Hésiode et Hérodote. Des autres, rangés arbitrairement dans cette catégorie des logographes, il ne reste que des fragments. Mot qui sonne comme une sanction et qui laisse peu de place pour se faire un avis. Plus que des fragments, il s’agit souvent de citations faites par d’autres auteurs. Nous avons vent de l’œuvre d’Hécatée de Milet parce que Diodore de Sicile ou Hérodote dont nous avons l’œuvre sous les yeux fait référence à tel ou tel passage d’Hécatée sur l’Égypte. Les fragments de ces logographes sont compilés et rangés dans des œuvres savantes en latin comme les Fragmenta Historicorum Graecorum (FHG) compilés au 19ème siècle par Karl Müller ou dans les Fragmente der griechischen Historiker de Felix Jacoby (FGrHist) ou encore dans des recueils plus anciens de doxographes, ces compilateurs antiques, dont celui du fameux Diogène Laërce. De ces données très fragmentaires de la très ancienne Grèce jaillissent des traits de lumières. Certains proviennent de la cote turque de la mer Égée.

L’école milésienne, la géométrie comme science de l’observation

Carte antique de l'Ionie, cote turque et archipel des CycladesA ce titre l’école de Millet se distingue nettement comme fer de lance de l’école ionienne. Qu’est-ce qui favorise ce mouvement dans cette région de la côte ouest de la Turquie ? La proximité de populations qui échangent et qui commercent activement, Égyptiens, Phéniciens, Lydiens, Cariens, Assyriens. Tous sont cités dans une longue et merveilleuse liste qui commence au chapitre 61 du livre 7 d’Hérodote. Les Égyptiens et les Babyloniens avaient déjà beaucoup observé les astres. Au milieu de cette effervescence, Thalès un Milésien du 6ème siècle avant notre ère avec un esprit plus agile que les autres profite de ces échanges avec les égyptiens et va formaliser avec son bâton, nommé gnomon, l’ébauche de la géométrie avec les formes les plus simples que dessinent la nature. L’ombre d’un rayon lumineux avec le gnomon forme le triangle. Les proportions dans les triangles semblables se conservent. A partir de ces observations, Thalès va se bâtir une légende en estimant la hauteur de la grande pyramide de Khéops, le pharaon est admiratif et lui rend hommage. les figures simples de la géométrie Une fois les légendes mises de coté, il faut plutôt croire que tout ce qui permettait de faire progresser la pensée était encensé depuis l’observation de la nature et des astres jusqu’à la réflexion philosophique, la disposition des continents et des populations qui les habitaient. Thalès, au sein de l’école de Milet, ne veut plus être régi sans comprendre par ces phénomènes naturels, il veut être acteur. Il veut observer, comprendre les mouvements d’astres comme le soleil et la lune, apprendre à mesurer les distances sur terre, sur mer. Les cartes deviennent un élément de cette réflexion, ainsi le Milésien Anaximandre impose sa vision et cartographie le pourtour méditerranéen. Periodos  (Περίοδος) c’est le mouvement, le déplacement, la terre c’est gé (γῆ). Les deux mots associés periodos ges deviennent périégèse, c’est le titre d’un traité de géographie décrivant l’ensemble du pourtour méditerranéen écrit par Hécatée qui s’inspire de ses maîtres et des cartes d’Anaximandre. Ce dernier est certainement un des plus anciens cartographe mais nous n’avons plus trace des ses cartes sauf par le biais d’Hérodote qui lui-même perpétue le travail de l’école milésienne en reprenant les travaux d’Hécatée. L’école milésienne n’est bien entendue pas la seule à se faire entendre. La Grèce du 7ème et 6ème siècle avant notre ère est en pleine effervescence. Toutes les cités sont en émulation, les joutes des différents jeux panhelléniques en sont la vitrine, l’alphabet démocratise l’accès à la culture. Dans ce foisonnement, il n’est pas possible de citer toutes les inspirations, Denys d’Halicarnasse nous a fait parvenir quelques noms dans un extrait cité plus haut. Pour l’exemple il faut encore citer Hellanicus ou Hellanicos ou encore Hellanikos de Lesbos, pour la seule raison qu’il est le seul logographe nommément cité par le maître Thucydide au livre 1 chapitre 97. Hellanikos est né dans l’ile de Lesbos, il est contemporain d’Hérodote et il ne reste malheureusement que quelques rares fragments de sa longue liste d’œuvre. Il était à l’époque notamment réputé pour son histoire de l’Attique et sa chronologie des archontes athéniens. Voici le terreau dans lequel va grandir Hérodote. Il va habilement puiser dans cet élan pour bâtir son œuvre. Ce qui fit, peut-être, la différence entre Hérodote et les logographes, ses ancêtres, c’est l’effort mis dans la rédaction de l’œuvre. C’est à dire l’effort porté sur l’écriture (au sens rédaction) qui n’était peut être pas la priorité de ses ancêtres.

Les historiens

Cette introduction nous amène naturellement vers les grands  historiens de la Grèce antique. La frise ci-dessous zoome sur la période charnière de l’élaboration des trois premières œuvres historiques antiques. Sur le haut de la frise sont représentés les trois premiers grands historiens antiques grecs et sur le bas les faits qu’ils décrivent.

Chronologie des premiers historiens grecs

La profession de foi de cette nouvelle discipline qu’est l’Histoire ne peut être mieux exprimée que par les deux phrases suivantes de Thucydide du livre 1 chapitre 22:

A l’audition, l’absence de merveilleux dans les faits rapportés paraitra sans doute en diminuer le charme ; mais, si l’on veut voir clair dans les événements passés et dans ceux qui, à l’avenir, en vertu du caractère humain qui est le leur, présenteront des similitudes ou des analogies, qu’alors, on les jugent utiles, et cela suffira: ils constituent un trésor pour toujours, plutôt qu’une production d’apparat composé pour un auditoire du moment.

Je ne vois rien à ajouter à cette déclaration, elle parle d’elle-même dans le plus pur style magistral de Thucydide dans la traduction de Jacqueline de Romilly . Cette citation fait le lien avec le billet suivant de cette série, celui consacré à Thucydide, mais il est temps de se pencher sur Hérodote.

Hérodote

L’œuvre d’Hérodote en quelques mots

L’œuvre d’Hérodote dont le titre grec est Ἱστορία est traduite en français sous le titre de Enquêtes ou Histoires. Elle se compose de neuf livres. Les quatre premiers livres composent une longue introduction géopolitique régionale portant sur la moitié orientale de la Méditerranée et son prolongement vers l’Asie. Les cinq livres suivants retracent l’histoire des guerres médiques sur la période de 499 à 479 avant J.C. Voici en quelques mots, un résumé de la grande œuvre d’Hérodote. Dans la suite, après avoir parlé de ce qui a pu inspirer Hérodote, je passerai à la partie agréable de ce billet, pour l’amateur d’Hérodote que je suis,  et je parlerai, à mon tour, de ce que m’inspire cette œuvre.

Les sources et l’inspiration d’Hérodote

Hérodote est natif  d’Halicarnasse, l’actuelle ville de Bodrum, proche de Milet (voir la carte). Les deux villes sont distantes d’environ 50 kilomètres à vol d’oiseau. Hérodote est donc géographiquement proche des penseurs de l’école milésienne. Hérodote ne cache pas cet héritage et son admiration pour sa région la Carie. Il ne cache pas son admiration pour la légendaire reine de Carie Artémisia (Artémise) , dont nous reparlerons, qui participa aux campagnes des guerres médiques dans le camp du «grand roi» perse Xerxès. Dans ce contexte géographique et intellectuel, Hécatée de Milet est certainement l’influence la plus directe que pouvait avoir Hérodote. Hécatée de Milet intervient même nommément dans l’histoire en marche lors de l’épisode dit du soulèvement des cités d’Ionie au livre 5 (36 et 125). Ce dernier est alors consulté par les dirigeants milésiens préparant la révolte contre le grand roi. Les connaissances d’Hécatée concernant l’Égypte qu’il avait visité, sont mentionnées dans le livre 2 (143). Elles ont certainement alimenté le livre 2 qui est largement dédié à l’Égypte. Plus globalement, la vision géographique d’ensemble du pourtour méditerranéen et égéen des quatre premiers livres d’Hérodote semble puiser dans l’ouvrage perdu d’Hécatée, Périégèse. Comme le note Jerry Brotton dans son livre Une Histoire du Monde en 12 Cartes, Hérodote fait certainement référence à ses ainés Hécatée et Anaximandre qu’il semble dépasser par une analyse plus pragmatique de la géographie, peut être renforcée par un travail personnel de voyageur-géographe, lorsqu’il mentionne au livre 4 chapitre 36:

Pour moi, je ne puis m’empêcher de rire quand je vois quelques gens, qui ont donné des descriptions de la circonférence de la terre, prétendre, sans se laisser guider par la raison, que la terre est ronde comme si elle eût été travaillée au tour, que l’Océan l’environne de toutes parts, et que l’Asie est égale à l’Europe. Mais je vais montrer en peu de mots la grandeur de chacune de ces deux parties du monde, et en décrire la figure.

Par ailleurs, au livre 6 chapitre 137, Hérodote cite Hécatée comme source historique pour parler de l’épisode de l’expulsion des Pélasges, cependant je ne sais pas à quelle œuvre d’Hécatée associer cette citation. L’analyse des sources d’Hérodote sont consignés dans un chapitre d’un ouvrage très complet d’Amédée HauvetteHérodote, historien des guerres médiques. Amédée Hauvette aborde également le sujet intéressant des sources de tradition orale. En effet Hérodote a écrit un cinquantaine d’années seulement après la fin des guerres médiques, il a donc pu bénéficier de témoignages d’anciens combattants ou de personnes proches d’anciens combattants. A cette époque, la tradition orale avait encore une signification particulière. Les grandes victoires athéniennes de Marathon et de Salamine étaient en train de passer plus que dans l’histoire, dans la légende du monde grec. Par ailleurs, Hérodote est  à la charnière de deux époques. A peine une génération avant sa naissance, les tyrans athéniens de la dynastie des Pisistratides, Pisistrate et ses fils Hippias et Hipparque, louaient les poèmes épiques du Cycle Troyen et Homère était à la base de l’éducation. Surement Hérodote les a-t-il lui même étudiés dans sa tendre enfance. Dans le même temps, les penseurs rationalistes de l’école milésienne développent leurs idées. Finalement, la vision que me donne son œuvre est à l’image de cette époque, un pied dans le passé épique et un autre dans l’analyse historique. Pour ceux qui s’étonnerait de l’influence «athénienne» d’Hérodote, lui qui naquit de l’autre coté de la mer Égée, il faut dire que les Athéniens et les migrants Grecs qui se sont installés sur la cote turque à partir du 11ème siècle avant J.C. partagent l’origine Ionienne. Celle dont se réclame donc les Athéniens et les cités ioniennes de la cote turque pour se démarquer des barbares indigènes.

L’Histoire par Hérodote

Voici donc maintenant ce que m’inspire la lecture d’Hérodote. Considérons, et il ne pourrait en être autrement, que l’œuvre en 9 livres d’Hérodote Enquêtes ou Histoires, selon les nuances liées à la traduction, forment un tout murement réfléchi. Les quatre premiers livres doivent être compris comme une immense phase introductive servant à positionner dans toutes ses dimensions l’action qui va suivre c’est à dire l’opposition entre les Grecs et les Perses, rassemblée sous le nom de «Guerres Médiques». Logiquement, la partie sur la guerre à proprement parlée et sur les actions militaires se retrouvent dans les cinq livres suivants. La phase introductive brosse une étude historique et géopolitique du monde connu qui abouti à la Grèce du 5ème siècle avant notre ère. C’est l’unique témoignage historique connu de si grande ampleur pour des époques aussi anciennes.  Pour donner une idée du volume d’information contenu dans ces quatre livres, disons qu’il correspond à un livre au format poche d’environ 350 pages composé d’environ quatre fois 150 petits chapitres de quelques phrases. De cet écosystème centré autour de la méditerranée a été tiré de nombreuses cartes comme celle ci-dessous donnée dans wikipedia que je trouve fort complète puisqu’elle référence les principaux lieux géographiques décrits pas Hérodote. Cette carte donne la vision schématique du monde d’Hérodote. Les trois continents, l’Afrique, l’Asie et l’Europe, bordant la méditerranée y sont passés en revue. Une foule de détails mêlant légendes et histoires parsèment ces premiers volumes au point que certains ont critiqué le manque d’esprit de synthèse d’Hérodote. Pour ma part, je goûte chaque phrase comme un témoignage unique du passé lointain et pas une ligne ne me semble en trop. Jacques Lacarrière qui était épris de grands espaces s’est attaché à traduire et à commenter très pertinemment ces quatre premiers livres en en faisant un des premiers guide du voyage de l’humanité. J’ai tiré de ce travail de Jacques Lacarrière un billet sur la prise de Phocée par les Perses. Les cinq livres qui suivent se recentrent sur la Grèce et l’histoire de l’opposition entre le monde barbare dominé par les Perses et le monde libre: la Grèce. Cette vision manichéenne du monde est bien entendue celle d’Hérodote. Le livre cinq fait le point sur la révolte des cités d’Ionie emmenées par la cité de Milet et son tyran Aristagoras contre le grand roi Perse Darius. De fil en aiguille cette révolte finira par attirer Athènes, Sparte et tout le monde grec dans un conflit avec les Perses. Ce livre couvre la période allant de 499 à 494. Le livre six couvre la fin de la révolte des cités d’Ionie avec la chute de Milet puis l’entrée des Athéniens dans le conflit suite à l’arrivée des troupes perses sur le sol européen. Les premiers chapitres traitent de la chute de la ville de Milet, ils abritent quelques passages d’anthologie. Voici par exemple le sort qui est promis aux milésiens s’ils ne se soumettent pas au grand roi Darius:

«…s’ils veulent en venir absolument à un combat, menacez-les de tous les malheurs qui ne manqueront pas de fondre sur eux, en cas qu’ils soient vaincus; assurez-les qu’ils seront réduits en esclavage, que leurs enfants mâles seront faits eunuques, que leurs filles seront transportées à Bactres (voir carte Hérodote ci-dessus), et qu’on donnera leur pays à d’autres peuples. Ainsi parlèrent les Perses… »

Après avoir été défait sur mer, les milésiens sont assiégés, vaincus dans leur cité et envoyés en exil dans le lieu-dit Ampê sur l’embouchure du Tigre dans le golfe persique. La chute de Milet en 493 est un évènement clef qui précipite l’entrée des Grecs dans le conflit comme le note Hérodote au chapitre 21:

«… Les Athéniens furent excessivement affligés de la prise de Milet, et ils manifestèrent leur douleur de mille manières. Le théâtre fondit en larmes à la représentation de la tragédie de Phrynichus, dont le sujet était la prise de cette ville ; et même ils condamnèrent ce poète à une amende de mille drachmes, parce qu’il leur avait rappelé la mémoire de leurs malheurs domestiques : de plus, ils défendirent à qui que ce fût de jouer désormais cette pièce. Milet perdit ainsi ses anciens habitants.»

Darius décide donc de porter le conflit en Grèce. Il se déroule alors une série de péripéties qui ralenti l’armée du grand Darius avant que celle-ci ne puisse atteindre la Grèce et l’Attique par voie maritime en traversant la mer Égée au niveau de l’ile de Naxos. Nous sommes alors en été 490 juste avant la fameuse bataille de Marathon qui scellera le premier acte de la guerre entre Grecs et Perses. Lorsque Hérodote écrit l’histoire de cette bataille près de soixante années se sont écoulés. Cependant en soixante ans, cette bataille est déjà entrée dans la légende de la Grèce et il n’est déjà plus possible de dire avec exactitude ce qui est la part de la légende et ce qui est la réalité. Avec cette légende, l’unité et la singularité de la Grèce et de sa démocratie se sont construites. Hérodote avait certainement dans l’idée de faire des épisodes des guerres médiques qui commencent à Marathon et qui terminent à Platée, une épopée qui pourrait être vue comme une seconde guerre de Troie. C’est à dire un nouveau mythe fondateur de la Grèce. Comme toute bonne tragédie, il fallait un deuxième acte. La suite de l’histoire va nous le fournir. Le livre sept constitue une apothéose dans l’ampleur du récit et dans le détail des descriptions. Darius rumine sa défaite qu’il ne pourra réparer que par une nouvelle campagne contre les Grecs. C’est ainsi que s’ouvre le livre sept:

L’invasion de Sardes avait déjà fort irrité Darius, fils d’Hystaspes, contre les Athéniens; mais la nouvelle de la bataille de Marathon l’aigrit encore davantage, et il n’en fut que plus animé à porter la guerre en Grèce. Incontinent il envoya ordre à toutes les villes de ses États de lever un plus grand nombre de troupes et de fournir une plus grande quantité de chevaux, de vivres, et de vaisseaux de guerre et de transport, qu’elles n’en avaient donné pour la première expédition. Ces ordres ayant été portés de tous côtés, l’Asie entière fut dans une agitation continuelle pendant trois ans.

Nous sommes en 487, les préparatifs à une nouvelle guerre ont duré trois ans comme le précise Hérodote, cependant Darius Ier le grand Roi de l’empire Perse décède de maladie un an plus tard sans avoir le temps de mener sa campagne contre la Grèce. Qu’à cela ne tienne, son fils Xerxès Ier est le nouveau grand Roi. Il reprend le flambeau avec la même soif de revanche.

Principales routes de l'empire perse (d'après Pierre Briant Histoire de l'Empire perse)

Principales routes de l’empire perse (d’après Pierre Briant Histoire de l’Empire perse)

Arrêtons nous un instant, avant de reprendre le cours de l’histoire, sur Xerxès Ier,  que certains voient comme le roi perse Assuerus décrit dans plusieurs livres de l’Ancien Testament, afin de se rendre compte de l’immensité de l’empire sur lequel régnait ce souverain depuis la ville impérial de Suse. Deux ou trois millions de kilomètres carrés depuis la méditerranée jusqu’aux frontières du Pakistan. Les distances sont énormes, elles représentent plusieurs milliers de kilomètres. Au livre 5 quand Cléomène l’archonte de Sparte demande à Aristagoras combien il y a de journées de voyage de la méditerranée à la ville royale de Suse, ce dernier lui répond trois mois soit cent onze jours et autant d’étapes pour un cavalier aguerri qui va d’étape en étape avec un cheval frais. Trois bon mois surement quatre ou cinq lorsqu’une armée est en campagne, c’est le temps qu’il faut pour parcourir la fameuse route royale qui va de Sardes à Suse, Hérodote précise qu’il faut y ajouter trois jours, une paille, si on part d’Éphèse, c’est à dire la cote méditerranéenne, soit un périple total de près de trois mille kilomètres de la mer à Suse. Ces distances donnent le vertige et une idée de la tyrannie exercée par le grand roi qui n’hésitait pas à lancer des peuples de tout l’orient sur le chemin de la guerre sur ces distances gigantesques. D’un autre coté lorsque Cléomène questionne Aristagoras sur le temps qu’il faudrait pour porter son armée dans la ville impériale perse et qu’il entend la réponse d’Aristagoras, 3 mois, sa réaction est sans appel, non, je ne pourrais pas imposer à des hommes libres ce projet insensé. C’est la toute la différence que veut marquer Hérodote entre le parti des hommes libres qui se battent pour la liberté et le parti des hommes asservis qui se battent sous la contrainte. N’est-ce pas le message vrai que veut faire passer Hérodote, ou plutôt n’est-ce pas celui que nous, européen, voulons faire passer à travers son œuvre ?

«…Alors Cléomène demanda à Aristagoras combien il y avait de journées de la mer qui baigne les côtes de l’Ionie au lieu de la résidence du roi. Quoique Aristagoras eût jusqu’alors trompé Cléomène avec beaucoup d’adresse, il fit ici une fausse démarche. Il devait, en effet, déguiser la vérité, s’il avait du moins dessein d’attirer les Spartiates en Asie ; mais, au lieu de le faire, il répondit qu’il y avait trois mois de chemin. Cléomène l’interrompit sur-le-champ, et, sans lui permettre d’achever ce qu’il se préparait à dire sur ce chemin : « Mon ami, lui dit-il, en proposant aux Lacédémoniens une marche de trois mois par delà la mer, vous leur tenez un langage désagréable. Sortez de Sparte avant le coucher du soleil. »

Après cette parenthèse, reprenons le récit du livre sept qui s’étend sur la nouvelle armée de Xerxès encore plus démesurée que la précédente. A travers une très vivante fresque, nous passons en revue comme si nous y étions l’armada du roi perse sur terre et sur mer. Les troupes de toutes origines sont savamment détaillées,  Perses en premier défilent sous nos yeux, puis Mèdes, Assyriens, Bactriens, Indiens, Parthes, Chorasmiens, Sogdiens, Gandariens, Dadices, Caspiens, Lydiens, Thraces d’Asie et bien d’autres encore. Une revue quasi exhaustive des tous les peuples d’Asie se présente sous nos yeux ébahis. Plus tard dans le texte, nous sommes assis à coté de Xerxès sur le navire royal. Les vaisseaux de l’armada sont rangées les uns à cotés des autres, proue tournée vers la côte et nous filons sur l’eau, dans un silence solennel, devant les centaines d’embarcations de toutes origines. Tout y est, une véritable super production grecque en cinémascope de la plus haute qualité. Ces passages sont un trésor pour l’humanité comme le dirait plus tard Thucydide, ils commencent au chapitre 61 de la façon suivante:

«…Premièrement, les Perses. Ils avaient des bonnets de feutre bien foulé qu’on appelle tiares, des tuniques de diverses couleurs et garnies de manches, des cuirasses de fer, travaillées en écailles de poissons, et de longs hauts-de-chausses qui leur couvraient les jambes. Ils portaient une espèce de bouclier qu’on appelle gerrhes avec un carquois au-dessous, de courts javelots, de grands arcs, des flèches de canne, et outre cela un poignard suspendu à la ceinture et portant sur la cuisse droite…»

Eva Green interprète d'Artémisia, Artémise d'Halicarnassepour finir au chapitre 100. Dans cette revue d’effectif et surtout dans le jardin secret d’Hérodote semble se trouver «sa» princesse, la très fameuse Artémise ou Artémisia d’Halicarnasse, dont il brosse le portrait au chapitre 99 de ce même livre:

«…Je ne passerai pas cependant sous silence Artémise. Cette princesse me parait d’autant plus admirable, que, malgré son sexe, elle voulait être de cette expédition. Son fils se trouvant encore en bas âge à la mort de son mari, elle prit les rênes du gouvernement, et sa grandeur d’âme et son courage la portèrent à suivre les Perses, quoiqu’elle n’y fût contrainte par aucune nécessité. Elle s’appelait Artémise, était fille de Lygdamis, originaire d’Halicarnasse du côté de son père, et de Crète du côté de sa mère. Elle commandait ceux d’Halicarnasse, de Cos, de Nisyros et de Calydnes. Elle vint trouver Xerxès avec cinq vaisseaux les mieux équipés de toute la flotte, du moins après ceux des Sidoniens; et parmi les alliés, personne ne donna au roi de meilleurs conseils. Les peuples soumis à Artémise, dont je viens de parler, sont tous Doriens, comme je le pense. Ceux d’Halicarnasse sont originaires de Trézen, et les autres d’Épidaure… »

Tant de mystères au sujet de cette princesse, admirée pas le grand Xerxès, remarquable manœuvrière à la bataille navale de Salamine et dont la tête fut mise à prix par les Athéniens. Elle apparait dans le film 300, la naissance d’un empire sous les traits de la belle Eva Green.
Il s’agit bien d’Artémise, première du nom, qu’il ne faut pas confondre avec Artémise II sœur et épouse du célèbre Mausole d’Halicarnasse au milieu du 4ème siècle. Artémise II fît construire le Mausolée d’Halicarnasse, une des sept merveilles du monde, à la mort de son époux qui associa à la postérité son nom Mausole au mot mausolée.
La légende d’Artémise Ière croise le chemin de la ville de Sparte dans le Péloponnèse. Elle est une des figures du célèbre Portique des Perses décrit par l’historien grec Pausanias et l’architecte romain du 1er siècle, Vitruve, qui se l’était follement imaginé sans avoir eu le loisir de le voir de ses propres yeux.  Ce portique se compose de colonnes sur lesquels étaient sculptées les figures de perses les plus célèbres. Il fait parti des monuments perdus qu’il ne reste plus qu’à imaginer, ce que fit Vitruve avec passion. Il ne l’avait pas vu mais il prenait plaisir à s’en faire une représentation mentale. Le seul témoignage que nous en ayons vient de Pausanias auteur lydien d’un guide de la Grèce qui eut la chance de le voir debout au 2eme siècle de notre ère. Au livre 3 chapitre 11 Pausanias signe la description de ce monument. On y reconnaissait encore la fameuse reine Artémise, voici l’extrait:

«En donnant la description de l’Attique, j’ai déjà eu la précaution d’annoncer que je ne m’astreindrais pas à tout décrire par ordre, mais que je m’attacherais aux objets les plus remarquables. Je renouvelle ici cette déclaration, et dès le commencement de ce livre j’ai eu soin de choisir ce que j’ai observé de plus important parmi beaucoup de traditions peu dignes de mémoire qu’on raconte dans chaque pays. Comme ce plan me paraît bon, je ne m’en départirai pas. Les Lacédémoniens ont à Sparte une place publique qui mérite d’être vue. Le bâtiment où s’assemble le sénat est sur cette place, ainsi que ceux où se réunissent les Éphores, les Nomophylaques et les Bidiéens. Le sénat de Lacédémone est le corps qui a le plus d’autorité dans la république. Les Éphores, les Nomophylaques et les Bidiéens sont des magistrats. Il y à cinq Éphores et cinq Bidiéens. Les fonctions de ces derniers sont de présider aux combats des adolescents, qui prennent leur nom du Plataniste, et aux autres. Les Éphores sont chargés des affaires les plus importantes, et on prend parmi eux l’éponyme (celui qui doit donner son nom à l’année) de même que chez les Athéniens, l’un des neuf archontes est éponyme. Le portique des Perses est ce qui se remarque le plus sur la place publique : on le nomme ainsi parce qu’il a été bâti du butin fait sur les Perses ; on l’a agrandi dans la suite, on y a ajouté des embellissements et on l’a mis dans l’état où il est actuellement. Sur les colonnes en marbre blanc sont figurés différents personnages Perses, parmi lesquels se reconnaît Mardonius, fils de Gobryas. On y voit aussi Artémise, fille de Lygdamis, et reine d’Halicarnasse, qui, dit on, ayant pris volontairement part à l’expédition de Xerxès contre la Grèce, montra beaucoup de valeur au combat naval de Salamine.»

Revenons au livre sept, celui-ci prend fin à l’été 480 avec la fameuse bataille des Thermopyles. Plus Hérodote avance dans ses livres plus il semble devenir chroniqueur des évènements militaires qui ont opposés Grecs et Perses. Les livres huit et neuf sont dédiés à la description précise des dernières batailles sur mer et sur terre entre Grecs et Perses. Ils donnent les détails de la stratégie et retracent le déroulement de la bataille navale de Salamine qui se déroula en 480 av. J.C. Puis, ils nous renseignent avec la même précision sur  la stratégie de la bataille de Platées en 479 av. J.C. La guerre touche à sa fin, les Perses n’y croient plus vraiment,  Xerxès s’en est retourné  chez lui depuis longtemps. Il a laissé le commandement à Mardonios. Les Perses fourbus sont défaits et sont poursuivis jusque sur leurs terres lors de la bataille qui scella le sort des guerres médiques au cap Mycale sur la côte turque (voir la carte).

Hep M’sieu et la suite …

Traditionnellement, je cite en fin de mes billets mes sources d’inspirations ou des endroits où aller chercher pour que la passion s’entretienne.
Je remercie toutes les personnes qui maintiennent le très précieux site remacle.org pour y avoir puisées toutes les citations d’Hérodote. Je ne saurais que recommander l’avant-propos d’Amédée Hauvette qui présente une analyse très précise des défauts et avantages de la cuirasse historique d’Hérodote. Il y réalise une étude comparée des principaux historiens antiques des guerres médiques postérieurs à Hérodote en les personnes de Plutarque et Diodore de Sicile. Il précise que ces derniers possédaient certainement des sources d’écrivains du 3ème siècle avant notre ère en plus de celles d’Hérodote mais dont il ne reste plus trace. J’aime beaucoup les éclairages de Jean-Marie Hannick que je cite souvent dans ce blog. Il propose de très intéressantes réflexions sur l’histoire, ses origines, grecques, mésopotamiennes, égyptiennes ? Il a la gentillesse de mettre en ligne ses réflexions sur le site de l’université de Louvain.
La magie de l’informatique et de l’internet fait que les gigantesques et précieux corpus dont j’ai parlé, FHG et  FGrHist, sont disponibles en ligne à l’adresse suivante: http://www.dfhg-project.org/Mueller-Jacoby-Concordance.
J’ai, dans ce blog, écrit deux billets qui sont largement inspirés par Hérodote, un traite de la fin de Phocée, un autre de Jacques Lacarrière. Vous pourrez aussi retrouver d’autres fragments savoureux d’Hérodote dans ce blog, ainsi que biens d’autres savamment tournés dans le blog de Paul Schubert.
Pour faire une transition vers le prochain billet de cette série, il existe un fait qui réunit Hérodote et Thucydide. La tradition ou la légende veut que lors d’une lecture publique faite par Hérodote, Thucydide jeune homme alors âgé d’une quinzaine d’années présent dans l’auditoire fut ému aux larmes par la beauté de l’histoire contée par Hérodote. Hérodote remarqua ce jeune homme et dit à son père Olorus qu’il fondait beaucoup d’espoir en ce jeune Thucydide pour continuer son travail et perpétrer la conservation de l’histoire grecque. Cette anecdote légendaire est, entre autre, rapportée par Photius.

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